L'intestin, deuxième cerveau ?

Jean Pénaud, ex-chercheur au CNRS est un spécialiste de l’intestin. Il dirige une société qu’il a fondée et est basée à Descartes. Spécialisée dans le monde animal, ses travaux pourraient être transposés dans le domaine humain, pour cela il lui faudrait obtenir une AMM, ce qui demande une mise de fonds trop importante pour cette entreprise.

Le titre de la conférence est dérivé de celui d’un livre écrit sous la direction du Pr Francisca Joly Gomez (en 2016). Ce titre aguicheur reprend sous une forme synthétique une découverte relativement récente : l’intestin a son propre système nerveux qui assure la communication entre les différentes parties de l’intestin et les autres organes de digestion, sans passer par le cerveau, tout en restant sous son contrôle. D’où ce terme surprenant de « deuxième cerveau ».

Autre découverte fondamentale : l’existence et, surtout, le rôle du microbiote, ensemble de microorganismes, spécifique à chaque individu. Le microbiote fait le travail de digestion tout en étant le reflet de l’état de santé de la personne. Pour situer cette découverte dans l’histoire humaine, elle est postérieure à la naissance de quasiment toutes les personnes qui ont assisté à cette réunion.

L’intestin est un système qui permet aux animaux, en particulier les mammifères, de se nourrir. La nourriture et essentiellement solide. Pour passer dans le sang, elle doit être transformée à l’état liquide. C’est le rôle du système digestif qui prépare aussi l’évacuation des déchets. Si le système digestif est partiellement différent pour les carnivores, les omnivores et les ruminants, il se termine toujours pareil.

Un peu d’histoire -très- ancienne :

Dès l’antiquité, les mouvements de l’intestin post-mortem ont probablement été à l’origine de l’art divinatoire à partir des entrailles des animaux sacrifiés. Chez les Étrusques, les Haruspices (les prêtres) ont étudié l’intestin et la partie terminale a été appelée « colon » qui signifie « muscle » en raison du fait de sa taille qui a conduit à cette confusion.

Rôles de l’intestin :

À l’école, on nous apprenait que l’intestin était composé de deux parties : l’intestin grêle et le gros intestin. La nourriture circulait dans un seul sens de l’entrée vers la sortie. On voit sur ce schéma que la réalité s’avère plus complexe et que l’intestin a la capacité de faire circuler son contenu dans les deux sens.

En fait, l’intestin est un des maillons du système digestif qu’il est impossible de vraiment dissocier.

Pour prendre un exemple concret, vous pouvez acheter dans le commerce des compléments alimentaires dits « microbiotique ». Leur absorption sous forme de gélules suit tout le trajet de la digestion et passe donc par la phase : « destruction de la majorité de la flore bactérienne ». Ce qui veut dire que seule une faible partie n’atteint réellement l’intestin. Une technique pour tromper l’estomac est de boire un grand verre d’eau en avalant la gélule Il peut en oublier de digérer la gélule. C’est mieux que rien.

Et pourquoi le « cerveau » ?

Le bon terme est « système nerveux entérique ». Parler de cerveau, attire l’attention sur la particularité singulière de ce système :

Si ce nombre de neurones est évidemment loin de celui de notre cerveau (~100 milliards), il est loin d’être négligeable car il est équivalent à celui d’une pieuvre, animal réputé pour son intelligence, pas loin du cerveau du chat.

Chaque partie de l’intestin reçoit et émet des informations vers d’autres paries ou organes. Le système nerveux entérique interprète ces informations pour interagir avec d’autres organes ou d’autres éléments de l’intestin. S’il est autonome, il rend compte au cerveau, surtout en cas de difficulté. Pour pouvoir digérer des graisses il sollicite directement le foie pour qu’il lui fournisse la bile nécessaire. Pour digérer un gros repas, surtout s’il est alcoolisé, il demande au cerveau un afflux sanguin plus important. Si cela se produit en fin de nuit et que la personne est déjà fatiguée, la demande peut être trop forte. C’est la raison pour la quelles la plupart des crises cardiaques se produisent vers 5h du matin.

Et le « microbiote » ?

Le microbiote est un ensemble de plusieurs centaines d’espèces de bactéries intestinales. Chaque individu possède un microbiote spécifique. Il n’y a pas deux microbiotes identiques. Le microbiote met trois ans avant d’arriver à maturité. Il commence à se former lors de la naissance dès la descente. Ensuite il évolue peu.

Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, le bébé était lavé dès sa naissance, ce qui avait pour effet de modifier la formation de son microbiote. Maintenant, on se contente de l’essuyer.

UFC – Unité Formant Colonie – est un indicateur permettant de dénombrer la quantité de microorganismes.
10¹² = giga, soit 1.000 milliards.
10¹⁴ = 100.000 milliards

Chez un humain, l'intestin mesure environ 10 à 15 mètres. Il atteint 60 mètres pour un cheval.

Le microbiote est à la fois le reflet de l’état de santé et la cause de l’état de santé.

Trois états du microbiote sont retenus :

• Standard, ou équilibré : eubiose
• Perturbé
• Déséquilibré : dysbiose

Si le passage d’un état à l’autre est progressif, passer de l’eubiose à la dysbiose peut se faire en quelques heures. Il suffit d’un choc émotionnel.

Exemple historique ( ?) : Nelson et son pantalon marron à la bataille de Trafalgar.

Par contre, passer de la dysbiose à l’eubiose est normalement très long, plusieurs jours habituellement. C’est en grande partie ce qu’essaie de pallier le laboratoire de Jean Pénaud, en permettant à un animal de récupérer un microbiote standard en quelques heures.

Quand ça va mal :

Les bactéries sont plus efficaces que les antibiotiques, mais il leur faut plus de temps pour arriver au résultat attendu.

Pour donner un ordre de grandeur, une vache produit jusqu’à deux kilos de bactéries par jour, ce qui représente un nombre colossal de bactéries. Ces bactéries sont détruites puis digérées pour passer dans le sang, nourrissant ainsi l’animal.

La constipation est le résultat d’un ralentissement provoqué par l’intestin pour réabsorber l’eau au lieu de l’évacuer normalement. Il est nécessaire de boire régulièrement (de l’eau, bien sûr) et non par à-coups.

Le présentateur attentif aux questions de la salle. Les réponses ont été intercalées dans ce compte-rendu.

Le président remet la médaille du 60-ème anniversaire de l’Ordre du Mérite. Moment d’émotion pour monsieur Jean PÉNAUD, dont l’épouse était décorée de l’Ordre.